Crise du Covid-19 : quelles conséquences sur les prix de transfert ?

La pandémie du Covid-19 a entraîné des bouleversements majeurs sur l’activité économique des entreprises, et donc sur leurs politiques de prix de transfert. A ce jour, les interrogations restent nombreuses. La question ici réside davantage dans l’allocation des pertes au sein des entités des entreprises multinationales. Les aides gouvernementales, dont l’ampleur a varié entre pays, rendent cette question plus complexe.

Le Covid-19 poussera les entreprises à opérer des réorganisations

Compte tenu des impacts économiques à venir de la pandémie, certaines multinationales vont procéder à des réorganisations d’entreprises. Ces dernières n’obéissent pas à une définition légale ou universellement acceptée. Dans le contexte spécifique des prix de transfert, ces réorganisations recouvrent le redéploiement transfrontalier de fonctions, d’actifs et de risques auxquels un potentiel de profit ou de perte peut être rattaché. Dans le cas présent, il s’agit davantage de répartir les pertes entre les entités juridiques.

De manière générale, afin de respecter le principe de pleine concurrence, l’administration fiscale examine la répartition des risques entre entités du même groupe. Les profits et pertes sont ensuite alloués en fonction de cette répartition des risques. A cet effet, une distinction est réalisée entre :

  • L’entrepreneur, qui désigne l’entité décisionnaire et qui récupère le profit résiduel.
  • L’entité à risques limités, qui désigne une entité supportant moins de risques en contrepartie d’une moindre autonomie décisionnelle et d’une rémunération plus faible.

L’interrogation réside dans le fait de faire supporter les pertes liées au Covid-19 aux filiales plutôt qu’à la société-mère. Un raisonnement plausible consiste à répartir la totalité des pertes entre filiales en vue de maintenir ses approvisionnements futurs. Toutefois, cet argumentaire ne sera pas facile à faire passer auprès de l’administration fiscale. En effet, en période de croissance, l’entrepreneur récupère les profits résiduels. Dès lors, il apparaît logique qu’en période de crise, l’entrepreneur supporte les pertes résiduelles. Les Etats chercheront notamment à éviter que les entreprises transfèrent les aides allouées à l’échelle nationale à d’autres Etats par le biais de la politique de prix de transfert.

Les impacts pratiques du Covid-19 pour les entreprises

Les interrogations pratiques de prix de transfert soulevées par la crise du Covid-19 portent sur de nombreux volets :

  • La gestion de trésorerie : quelles sont les conséquences fiscales des options mobilisables ? (cash pooling, financements intragroupe, garanties)
  • Le niveau de management fees à refacturer aux filiales : faut-il réduire les montants facturés ? Consentir des abandons de créances pour soutenir les filiales en difficulté ?
  • Les aides gouvernementales : doivent-elles rester au sein du pays bénéficiaire, ou doivent-elles être réparties entre filiales ?
  • Les chaînes d’approvisionnement : quels impacts sur la politique de prix de transfert en cas de relocalisation des activités ?
  • Les actifs incorporels : comment ajuster les niveaux de redevances ?

En attendant que l’OCDE donne des directives claires sur le sujet, les entreprises devront opérer des choix opérationnels et adapter leurs politiques de prix de transfert. Puis les défendre vis-à-vis de l’administration fiscale, dans un contexte de demande croissante d’une fiscalité plus juste (taxe GAFA, BEPS). Ainsi, les Etats pourraient demander aux grandes entreprises de contribuer davantage face à la crise sanitaire.