Le Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE) : sécuriser le motif économique

Le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) est un dispositif destiné à limiter le nombre de licenciements pour motif économique au sein des entreprises. Compte tenu de la crise sanitaire liée au Covid-19, de nombreuses entreprises ont été contraintes de réduire, voire d’arrêter momentanément leur activité. Cet arrêt forcé de plusieurs mois aura des conséquences économiques et sociales lourdes, parmi lesquelles un accroissement attendu du nombre de PSE. Avant d’évoquer ce que recouvre précisément un PSE et les enjeux associés, il convient de rappeler les principes d’une restructuration.

Les principes d’une restructuration

Le terme de restructuration est un terme générique pour désigner une multitude de situations de forts changements dans l’entreprise :

  • Délocalisation ou externalisation d’une activité
  • Arrêt d’une ligne de production
  • Fermeture de site
  • Rapprochement avec une autre entreprise
  • Cession à une autre entreprise

Dans une restructuration, nous retrouvons des faits générateurs. Ceux-ci peuvent être internes (faible rentabilité) ou externes (concurrence, crise du Covid-19). Afin de garantir la pérennité de l’entreprise, les dirigeants doivent prendre des décisions économiques et organisationnelles. Avec le plus souvent un impact social non négligeable : modification de l’organisation et des conditions de travail, suppression de postes… Le PSE constitue souvent la matérialisation des décisions prises à la suite des difficultés rencontrées par l’entreprise.

Les motifs économiques d’un PSE

L’article L. 1233-3 du Code du travail définit la notion de licenciement économique. Les motifs du licenciement économique résultent des principaux facteurs suivants :

  • Des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés ;
  • Des mutations technologiques ;
  • Une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
  • La cessation d’activité de l’entreprise.

Il y a baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :

  • 1 trimestre pour les entreprises de moins de 11 salariés
  • 2 trimestres pour les entreprises ayant entre 11 et 49 salariés
  • 3 trimestres pour les entreprises ayant entre 50 et 299 salariés
  • 4 trimestres pour les entreprises de plus de 300 salariés

Les difficultés économiques doivent être suffisamment importantes et durables pour justifier la suppression d’un emploi :

  • Surendettement bancaire permanent
  • Perte du client unique de l’employeur
  • Difficultés financières consécutives à des investissements réalisés pour rester compétitif sur le marché

Néanmoins, la jurisprudence ne retient pas des motifs tels que la réduction les coûts salariaux, ou encore l’augmentation des profits.

La réorganisation opérée pour sauvegarder la compétitivité doit avoir pour objet de prévenir des difficultés à venir et leurs conséquences sur l’emploi. Il n’est donc pas nécessaire d’être en proie à des difficultés économiques à la date du licenciement. Toutefois, le risque d’en avoir si aucune mesure n’était prise doit être réel et sérieux. L’entreprise doit être menacée à plus ou moins court terme, et la survie de l’entreprise doit être en cause.

La notion clé de secteur d’activité

Afin d’apprécier les difficultés économiques de l’entreprise, deux cas sont à distinguer :

  • L’entreprise n’appartient pas à un groupe : les difficultés ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité s’apprécient au niveau de l’entreprise dans son ensemble et non au niveau d’un de ses établissements ou magasins ni au niveau du secteur d’activité concerné.
  • L’entreprise appartient à un groupe : signalons que depuis les ordonnances Macron, les difficultés ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité s’apprécient au niveau du secteur d’activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude. Ce qui constitue un changement majeur par rapport à la doctrine précédente.

En effet, avant les ordonnances Macron, les difficultés ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité s’appréciaient au niveau du secteur d’activité du groupe. Lorsque le groupe avait une dimension internationale, ces mêmes difficultés s’appréciaient au regard du secteur d’activité à l’échelle internationale.
Ce changement de doctrine conduit donc à justifier les difficultés économiques sur un périmètre géographique plus réduit, tâche plus aisée qu’une justification devant être étayée sur un périmètre plus large.

Toutefois, la Cour de Cassation ne définit pas la notion de secteur d’activité qui sert de cadre d’appréciation. Les difficultés économiques doivent s’apprécier à la date de la notification du licenciement. Cependant, si la nécessité de la réorganisation doit s’apprécier à la date du licenciement, il peut être tenu compte d’éléments postérieurs pour cette appréciation. En conséquence, le document d’information-consultation présenté au CSE doit définir précisément le secteur d’activité retenu, et démontrer en quoi ce secteur d’activité est ou sera en grande difficulté.

Les obligations préalables de l’employeur avant la mise en oeuvre du PSE

En vertu de l’article L. 1233-4 du Code du travail, le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque :

  • L’employeur a réalisé tous les efforts de formation et d’adaptation
  • Le reclassement de l’intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, sur un emploi d’une catégorie inférieure, ne peut être réalisé dans le cadre de l’entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du Groupe auquel l’entreprise appartient.

Le licenciement économique doit impérativement reposer sur une cause réelle et sérieuse. En l’absence de cause réelle et sérieuse et en l’absence de volonté d’être réintégré, les indemnités à verser au salarié ne peuvent être inférieures à 6 mois de salaire, plus la possibilité pour le salarié d’aller aux prud’hommes pour demander des indemnités complémentaires.

Le cadre réglementaire d’un PSE

La mise en œuvre d’un PSE obéit au cadre général défini par l’article L. 1233-28 du Code du travail. L’employeur doit avoir recours à un PSE lorsqu’il envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique d’au moins dix salariés dans une même période de trente jours. A ce cadre général viennent se greffer trois cas particuliers :

  • L. 1233-25 : lorsqu’au moins dix salariés ont refusé la modification d’un élément essentiel de leur contrat de travail proposée par leur employeur pour l’un des motifs économiques et que leur licenciement est envisagé, les dispositions sur les licenciements collectifs s’appliquent.
  • L. 1233-26 : lorsqu’une entreprise ou un établissement assujetti à la législation sur les CSE a procédé pendant trois mois consécutifs à des licenciements économiques de plus de dix salariés au total, sans atteindre dix salariés dans une même période de trente jours, tout nouveau licenciement économique envisagé au cours des trois mois suivants rentre dans le cadre d’un PSE.
  • L. 1233-27 : lorsqu’une entreprise ou un établissement assujetti à la législation sur les CSE a procédé au cours d’une année civile à des licenciements pour motif économique de plus de dix-huit salariés au total, sans avoir été tenu de présenter de plan de sauvegarde de l’emploi, tout nouveau licenciement économique envisagé au cours des trois premiers mois rentre dans le cadre d’un PSE.

Les obligations de l’employeur

Le PSE doit être proportionnel aux moyens du groupe, sauf en cas de liquidation ou de redressement judiciaire (loi Macron). L’employeur doit adresser dans un document écrit aux représentants du personnel tous les renseignements utiles, parmi lesquels :

  • Les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement
  • Le nombre de travailleurs faisant l’objet d’un licenciement potentiel, les catégories professionnelles concernées et les critères proposés pour l’ordre des licenciements visé à l’article L. 1233-5
  • Le nombre de travailleurs, permanents ou non, employés dans l’établissement
  • Le calendrier prévisionnel des licenciements
  • Les mesures ou le plan de sauvegarde de l’emploi, défini à l’article L. 1233-62 qu’il envisage de mettre en œuvre

Ce document écrit constitue un projet qui est ensuite adressé à la DIRECCTE. Cette dernière formule des remarques sur le projet et a un pouvoir d’injonction. Puis, après négociations entre les IRP et l’entreprise, la DIRECCTE valide la version finale du PSE. Au final, sécuriser le motif économique et la procédure spécifique à un PSE est un processus complexe qui nécessite de se faire accompagner. Surtout au regard des mois à venir qui seront cruciaux pour bon nombre d’entreprises fragilisées par la crise du Covid-19.